La Maison des Livres

Adversus, épisode 4 : Dédale

samedi 9 juin 2012, par Dark Venus

Et voici que revient la série Adversus, que j’avais un peu abandonnée ces temps-ci (bien que ce soit mon projet le plus abouti, de 35 pages à ce jour). ATTENTION : Cet épisode à été très pénible à écrire, et je n’ai pas eu le courage de le relire, il se peut donc qu’il soit ennuyeux. (Vous devez avoir lu les 3 épisodes précédents pour comprendre^^)

Une semaine plus tard, on vint nous chercher. Pour moi, ce fut un grand homme aux yeux verts profonds qui me faisaient penser à ceux de Tima, la sirène qui s’était sacrifiée pour nous. Pour Nadya, ce fut sa sœur, Daylfine, qui l’emmena. Je fus conduite dans les Montagnes Sacrées, lieu où se trouvait la Grotte de Monn, évoquée dans la Charte des Chasseurs. C’était le lieu le plus désert que j’aie jamais vu. L’homme me fit grimper en haut du Mont Zjö, et je compris à quoi consistait le test de maîtrise sur le terrain. Enfin, en gros. Le Mont Zjö surplombait un immense dédale, un labyrinthe en forme de triangle allongé, tordu, autrement dit, en forme de croc, de dent. Le messager – l’homme qui m’avait conduit ici – m’expliqua brièvement ma mission, car Anndort, qui m’attendait à l’entrée du labyrinthe m’expliquerait tout en détails. Je devais entrer dans le labyrinthe, munie d’un arc, de flèches, d’une fiole de potion, et accompagnée de cinq autres personnes, qui étaient déjà en bas, et qui n’attendaient que moi pour commencer. Au bout du labyrinthe se trouvait de nombreux Tiam’at. Chacun devrait reconnaître et trouver le sien. Le labyrinthe n’aurait aucune issue, car l’entrée se refermerait derrière nous, pour sortir nous devrions donc chevaucher ces créatures, cadeau de Monn. Puis l’homme partit et je dégringolai la pente rapidement.

L’homme avait menti : Anndort ne m’attendait pas en bas. Seuls les cinq autres apprentis m’attendaient, et n’avait pas plus trouvé le Chef des Chasseurs que moi. Je m’approchais avec méfiance d’eux, tout en les détaillants. Il y avait là deux garçons vêtus de bottes en peaux et de tuniques fabriquées avec la même matière, un autre enroulé dans une cape tout aussi sombre que son regard, et, Ô grande surprise, Tima, la sirène. Mais elle n’avait plus sa queue de poisson ! Presque dévêtue, elle avait désormais deux longues jambes. Je n’y comprenais plus rien ! Moi-même je ne portais qu’un haut en cuir d’Agamanta et un bas s’arrêtant au milieu des cuisses. C’est d’ailleurs ainsi que je me vêtais la plupart du temps. Tout à coup, une voix grave retentit, reprise en écho par les pierres des montagnes. C’était la voix d’Anndort, qui nous ordonnait d’avancer. D’ailleurs, une entrée s’était formée devant nous sur un des murs du dédale. Je me demandais alors ce que Nadya endurait en ce moment, dans son test à elle. En rang, nous avançâmes dans le labyrinthe, et quand nous fûmes assez loin de la porte, elle se referma. Nous étions désormais seuls et livrés à nous-mêmes. Nous n’avions aucune idée de ce qu’il nous fallait faire, alors je proposai de nous asseoir et de réunir nos idées, ce que les autres firent de suite.
-  D’accord. Je pense qu’on devrait déjà se présenter, comme ça on pourra appeler les autres par leur prénom si on a un problème. Non ? Un silence gênant s’était installé, mais je poursuivis.
-  Moi, c’est Yulyait. Et vous ? L’un des deux garçons en peaux de bête fut le premier à parler.
-  Je m’appelle… commença-t-il, comme si le fait de prononcer son prénom le gênait au plus haut point. Je m’appelle Urok. Urok. Très bonne raison d’être gêné, en fait. Urok était le nom du Démon, l’ennemi juré de Monn. Je tentais de la rasséréner.
-  Le fait que tu portes ce nom ne me gêne pas.
-  Merci, répondit-il, reconnaissant. Ce n’est pas ma faute, c’est mon père… Lui, c’est mon frère Cuok. Puis je me tournai vers Tima, ou, du moins, celle que je croyais l’être.
-  Je suis Nimä, fit-elle en réponse à mon regard interrogateur. J’ouvris la bouche en signe de surprise. Ce n’était pas elle, et à la fois c’était elle. Elle avait le même grain de peau, le même visage, la même voix. Etait-ce en rapport avec le rubis de la Vou’yvr ? Enfin, je jetai un regard en biais au garçon sombre, encapuchonné, qui ne répondit pas à mon appel. Ne préférant pas le titiller davantage, je changeai de sujet.
-  Qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? questionna Nimä.
-  Je propose de commencer d’avancer ensemble, et…
-  Négatif, coupa la silhouette encapuchonnée. Je ne suis la route de personne, sauf de moi-même. Je poussai un long soupir. Qui qu’il soie, il m’exaspérait au plus haut point, et, d’un autre côté, il m’intriguait.
-  Très bien ! Alors je propose qu’on se sépare en trois groupes.
-  Je pense que c’est une bonne idée, approuva Urok.
-  Je pars seul, trancha le rebelle.
-  Nimä, tu devrais aller avec Cuok, proposa Urok. Et Yulyait avec moi.
-  D’accord, conclus-je. Il y a un croisement un peu plus loin.
-  Je prendrais au Nord, répondit le non-nommé.
-  Cuok et moi, nous allons vers l’est, compléta Nimä.
-  Et nous vers l’ouest, conclus-je.
-  Hâtons-nous, poursuivit Nimä. On ne sait pas ce que ce test nous réserve. L’endroit n’est peut-être pas sur. J’acquiesçai, puis chacun partit de son côté. Tima, ou Nimä, peu importe, avait raison. On ne savait rien sur ce test, ni sur ce labyrinthe. Nous ne transportions presque rien sur nous. Mentalement, je fis l’inventaire de ce que j’avais : un sac à dos, contenant trois portions de repas, quelques Quizil, les pièces d’or Danaéennes, dans une bourse accrochée à ma taille, une fiole de potion de Guérison, mon arc et mes flèches. Nous avancions, hagard, sans dire mot. De nouveau, on arriva à un croisement. Je laissai la décision à Urok, qui choisit de prendre au Nord. Au bout du chemin, nous arrivâmes à un cul-de-sac. Jurant, je retournai sur mes pas pour revenir au croisement et aller à l’est, lorsque mon compagnon poussa un cri. Je fis volte face, mais rien ne s’était passé. Urok me fit signe de venir voir. Par terre, il y avait une dalle plus apparente que les autres. Je ne compris que lorsque je posai mon pied dessus. Une porte était apparue dans la pierre. J’ôtai mon pied, et aussitôt la porte disparut. Urok appuya à ma place, et j’ouvris la porte. Un vent glacé et vif me saisit, semblant sortir de la salle, m’obligeant à reculer. Un pas, puis deux puis trois. Voyant ma difficulté, Urok arrêta d’appuyer, mais il ne se passait plus rien. La porte était ouverte, il fallait donc la refermer. Mon compagnon s’appuya contre le battant de celle-ci, mais le vent était si violent qu’il repoussa la porte, jusqu’à l’ouvrir entièrement, plaquant ainsi Urok derrière la porte, collé contre le mur. Décidée, je me mis à essayer d’avancer. Un pas. Enfin ! Puis deux, puis de nouveau un pas en arrière. Le vent m’asphyxiait, et je fus contrainte de fermer les yeux, tellement ils me piquaient. Je ne vis pas une ombre se glisser dans mon dos, avancer péniblement vers l’ouverture dans le roc, saisir un poignard à la lame noire, l’enfoncer dans les ténèbres qu’offraient la porte ouverte. Je ne m’aperçus du changement que lorsque je fus projetée à terre. Il n’y avait plus de vent ! J’ouvris péniblement les yeux, et je vis juste à temps une silhouette enturbannée s’élancer et sauter par-dessus le mur labyrinthique. Il n’y avait pas de doute possible, c’était ce mystérieux garçon qui n’avait pas voulu dire son nom. Je me relevai et inspectai de l’extérieur le contenu de la pièce derrière la porte. Elle était vaste, peu éclairée. Au centre trônait une grande statue d’or à l’effigie du dieu Monn. La statue resplendissait, et ses yeux étaient représentés par deux rubis flamboyants. Saisi par la beauté de ce travail d’artiste, Urok la contourna, la détailla, l’observa dans ses moindres détails. Puis, pesant le pour et le contre, il s’affaira à escalader la statue dorée.
-  Que… ? demandai-je. Mais qu’est ce que tu fais, enfin !?
-  C’est évident, non ? Je ne vais pas laisser pourrir ces diamants dans ce tombeau !
-  Tombeau qui sera peut-être le tien si tu commets cette bêtise !
-  C’est toi qui dis des bêtises, répliqua-t-il froidement. Que veux-tu qu’il se passe ? J’ouvris la bouche pour répondre, mais cet idiot, aveuglé par la soif de la richesse, saisit l’œil gauche de la statue. Le sol gronda, le plafond trembla, les murs s’effritèrent, la statue elle-même se déchira, se fracassa contre le sol, éclata en morceaux, emportant mon compagnon vers une destination finale. Je devais sortir, sinon je finirais comme lui. Mais, malheureusement, lorsque je pivotai vers la porte, celle-ci était close, et le demeura quand j’essayai de l’ouvrir
-  Psssssssst. Un chuchotement, imperceptible, m’étant destiné, me fut apporté malgré le vacarme. Et lorsque je tentai de déterminer son origine, je tombai nez-à-nez avec le garçon encapuchonné.
-  Toi ! criais-je, malgré moi, en essayant de couvrir le bruit, qui ne m’importait d’ailleurs plus. Tu t’es décidé à me dire pourquoi tu me tournes autour depuis tout à l’heure ?! J’étais hors de moi, mais il m’intima le silence et me poussa dans un coin contre mon gré. Il posa la main sur les briques du mur encore intact sur lequel j’étais appuyé et une porte apparut, comme par enchantement. Il l’ouvrit et me poussa à l’extérieur. Nous étions de retour dans le dédale. Je n’en croyais pas mes yeux. Comment cette porte était-elle apparue !?
-  A gauche ordonna-t-il. Nous ne devons pas traîner. Mais, voyant que je ne bougeais pas d’un pas, il me saisit par le bras et me traîna de force. J’essayai de résister ; c’était peine perdue, il était plus fort que moi. Je décidai donc de le suivre sans rechigner. Pendant que nous marchions dans un silence de mort, je réfléchissais. Et, soudain, je dis :
-  Pourquoi m’aides-tu ?
-  Parce que.
-  Pour moi, ce n’est pas une réponse.
-  Et pourtant, tu devras t’en contenter. Je fis la moue. C’est alors que je m’arrêtai net. Et d’ailleurs, l’autre aussi. J’avais flairé une présence. Je me tenais sur mes gardes.
-  Par là, dit le garçon. J’obéis, et le suivis derrière une haute porte de chêne. Au début, nous étions plongés dans l’obscurité, mais au bout d’un certain temps, cinq torches s’allumèrent d’elles-mêmes. Et je remarquai avec horreur qu’au centre de la vaste pièce circulaire dans laquelle nous nous trouvons, un nain était assis dans un grand fauteuil sculpté.
-  Aventuriers, dit-il d’une lourde voix grave qui s’entrechoqua contre les murs en écho, aventuriers, je vous félicite. Vous avez été très habiles pour parvenir jusqu’ici. Mais il aurait surement mieux valu que vous n’arriviez pas jusque chez moi… Car vous n’en repartirez plus. Bröd, emmène ces deux là au cachot ! Un autre nain arriva, se dandinant sur ses jambes toutes courtes, la bedaine pendante et dépassant de son haut en cuir. Mon compagnon sans nom me jeta un regard entendu qui signifiait qu’il valait mieux se soumettre… Pour l’instant. Notre cachot était un tout petit réduit crasseux occupé par de la vermine. Aux début, nous étions tous deux silencieux. Puis j’osai lui redemander son nom. Et cette fois, il me répondit.
-  Je m’appelle Nathan.
-  Quel drôle de nom, dis-je. D’où viens-tu ?
-  De l’île pointue. Je suis né à Bou’zi.
-  Ah, je comprends. J’ai entendu dire qu’ils donnaient des noms étranges, là-bas. Pour la première fois, je le vis sourire. Mais contempla le sol et sa mine redevint grave.
-  Qu’est-ce qu’on va pouvoir faire ?
-  Je ne sais pas trop… Qu’est-ce qu’on pourrait faire ? répondis-je. Nathan ne répondit pas à ma question. Soudain, l’air se troubla et une fumée blanchâtre nous enfuma et nous emprisonna. Mon compagnon tourna de l’œil et s’effondra. Je m’évanouis à mon tour. Quand je me réveillai, Nathan et moi étaient assis sur deux grandes chaises d’acier, retenus par des chaînes attachée bien solidement aux pieds des chaises. Le nain était assis en face de nous et nous dévisageait d’un œil brillant. Surement attendait-il que nous soyons parfaitement lucides pour prendre la parole. C’est en effet ce qu’il fit :
-  Jeunes gens, vous êtes ici dans mon repaire. Sachez alors que je suis le nain Thram. Je suis un des pièges de l’Epreuve. En cette qualité qui est mienne, il est de mon devoir de ne permettre qu’au meilleur d’entre vous deux de poursuivre. Je vais donc vous imposer une épreuve qui vous départagera. Vous devrez faire appel à votre intelligence autant qu’à votre force. Mais surtout, si vous voulez un conseil, n’essayez pas de vous débarrasser de moi. Une telle entreprise serait vouée à l’échec. Ici, il n’existe aucune issue apparente ; je suis le seul à connaître l’emplacement des portes secrètes. Maintenant, si vous voulez bien décider lequel, de vous deux, commencera le l’épreuve en premier, je ferai, pendant ce temps, les préparatifs nécessaires. Nathan se pencha et me chuchota dans l’oreille qu’il serait mieux de se débarrasser tout de suite du nain et de chercher la sortie. Je lui répondis qu’il serait inutile de le tuer immédiatement, car nous ne pourrions jamais trouver seuls l’issue de cette pièce. Je lui expliquai que j’avais l’intention de passer l’épreuve en premier. Au début, mon compagnon refusa, mais je répétai plus violemment mon souhait, et il ne me le refusa plus. Je m’avançai vers Thram, décidée mais légèrement tremblante tout de même. Le nain ordonna à son sujet de remmener Nathan au cachot, puis il m’emmena dans une autre pièce, par l’intermédiaire d’une porte secrète. Dans ma tête, je commençai à me dessiner un plan de notre prison, et de l’emplacement des différentes portes. Le nain fouilla dans une de ses poches, et, quand il ressortit sa main, elle contenait deux dés en os. Il les lança sur le sol. Le total donnait un chiffre de huit.
-  Maintenant, dit le nain, quand je relancerai les dés, penses-tu que le résultat sera égal, supérieur ou bien inférieur à huit ? Je pris le temps de réfléchir. C’était encore une ruse. Les dés devaient être truqués. Je pariai donc que le résultat serait égal lorsqu’il relancerait les dés. Thram me félicita d’avoir bien deviné, tandis que moi, je soufflais, soulagée. Il m’annonça alors qu’il me fallait passer à la deuxième partie de l’épreuve. J’acquiesçai. Il se rendit au fond de la petite pièce, et revint avec un panier en osier.
-  A l’intérieur de ce panier, me dit-il, est enfermé un serpent. Je veux mettre tes réflexes à l’épreuve : tu dois attraper le cobra à mains nues, juste au dessus de la tête, tout en essayant d’éviter ses crochets mortels. Il renversa le panier, et un gros serpent, un Engel, tombe sur le sol. Il se dressa aussitôt, prêt à frapper. Le nain sortit de la pièce. Je m’accroupis sur le sol, tous muscles tendus, attendant le moment opportun pour le saisir. Je sentis le sang battre dans mes tempes. L’Engel tenta une première attaque, mais ne réussit pas à me mordre. Soudain, d’un geste rapide comme l’éclair, je saisis le serpent, juste au-dessous de sa gueule béante. Je l’arrachai du sol et appelai le nain. La porte coulissante s’ouvrit sur le champ, et le nain apparut devant moi. J’agitai l’Engel devant le visage du nain. Mais, inébranlable, celui-ci me répondit de sa voix calme et inexpressive :
-  Remets ce serpent dans son panier, et sois prête pour la suite de l’épreuve. Après que j’aie remis l’Engel dans son panier, je suivis le nain. Nous retournâmes dans la grande salle d’où nous venions, et le nain ouvrit une deuxième porte secrète. Il m’ordonna de la franchir et de l’attendre à l’intérieur de la pièce. A nouveau, j’obéis et je me retrouvai dans une salle, également circulaire, mais ressemblant davantage à une petite arène. Le sol était couvert de sable, et un balcon faisait le tour du mur. Face à la porte secrète par laquelle je venais d’entrer, se trouvait une porte en bois d’aspect sinistre. Soudain, j’entendis un appel. Je levai la tête et j’aperçus le nain, qui se tenait sur le balcon, un sourire aux lèvres. Il me jeta un morceau de papier. Je le ramassai, et lus : NHNTAA. Incrédule, je levai les yeux vers Thram, qui, d’un ton toujours aussi calme, prit la parole :
-  En réarrangeant les lettres de ce mot, tu découvriras le nom de ce que tu devras combattre. Je me penchai sur ces lettres, cherchant à les mettre dans le bon sens, pour que ce soit cohérent, mais je ne trouvais pas.
-  Non… Même pas une petite idée ? ricana le nain. De gros muscles mais une petite tête, finalement ? Bon, ce n’est pas grave. Tu découvriras bien vite de qui il s’agit. Il se mit à ricaner de plus belle, en me lançant quelques quolibets au passage. Puis il reprit un peu de sérieux et s’affaira à faire tourner une roue, semblable à celle qu’on peut trouver sur les navires des marins de Dana. Je vis alors la porte du fond coulisser, et Nathan apparut. Mais il n’était pas le même. Il avait le teint livide, les yeux révulsés et la bouche crispée en un léger rictus. Quand il me vit, il se figea. Je crus même apercevoir une lueur de lucidité dans ses yeux, une trace d’horreur sur son visage. Soudain, je chancelai. C’était mon déséquilibre qui me relançait. Après tant de temps sans l’avoir ressenti, voilà qu’il reprenait le dessus ! Pourquoi donc à ce moment précis, où j’en avais le moins besoin, où j’avais le plus besoin qu’il ne survienne pas, pourquoi survenait-il alors ? Je me ressaisis. Le nain, riant aux éclats, s’écria :
-  Attaque ! Je me préparai à recevoir moult coups de la part de mon ami transformé, voire même à mourir. Mais ce ne fut pas le cas. Contre toute attente, ce ne fut pas sur moi que Nathan se précipita. Non, tout au contraire. Il exécuta un bond formidable et atterrit sur le balcon où, quelques secondes plus tôt, s’esclaffait le nain. L’expression du visage de celui-ci se métamorphosa aussitôt, et il se mit à pousser des cris de terreur. Nathan saisit une broche dans le plat que le serviteur de Thram avait apporté à son maître un peu auparavant et l’enfonça dans la grosse bedaine du petit homme. Puis il laissa tomber son arme ensanglantée et redescendit dans l’arène. Méfiante, je fis un pas en arrière. Mais Nathan me tendit la main.
-  Ne t’inquiètes pas, je suis normal. Ma mère m’a appris à déjouer des sorts comme celui que c’est abruti a voulu me lancer. Lentement, je m’approchai de lui, faisait mine d’être confiante, mais, à peine fus-je à son côté que je lui assenai un grand coup de poing dans le nez. Il cria de douleur et tomba à genoux dans le sable, tout en se tenant son nez, d’où coulait le sang à flots. Il leva les yeux et me lança un regard suppliant. Je compris alors que j’avais eu tord de ne pas le croire. Je lui tendis une main tremblante qu’il attrapa, et il se releva, se tenant toujours le nez, et je vis que je n’y étais pas allé de main morte.
-  Je suis désolée… murmurai-je. Je croyais que c’était une ruse.
-  Tu as raison… répondit-il en marmonnant. Tu as eu le bon réflèxe… au mauvais moment. C’est tout. Allons-y. Sans ajouter un mot de plus, je le suivis. A ma grande surprise, ou bout de quelques minutes, nous fûmes de nouveau dans le dédale. Quand je lui demandai comment il avait su par où passer pour sortir, il me répondit, ô phrase énigmatique, que c’était son petit doigt qui le lui avait dit. Je n’avais, jusqu’alors, jamais entendu cette curieuse maxime.

•••

Peu de temps après, Nathan et moi ouvrîmes la porte d’une grande pièce plongée dans l’obscurité. Mais quand j’eus posé un pied après le pas de la porte, des chandelles s’allumèrent d’elles-mêmes, et toute la pièce fut illuminée. Et, bonheur, au centre de la grande fosse qu’il y avait dans cette salle, s’agitaient des Tiam’ats. Qu’ils étaient beaux ! A la fois beaux et horrifiants. Mais l’un d’eux en particulier attira mon regard. A mes yeux, il brillait deux fois plus que les autres, ses écailles avaient un éclat plus étrange que sur les autres bêtes.
-  Je crois que j’ai trouvé le mien, chuchotai-je à Nathan. Il me jeta un regard de biais surpris.
-  Pas moi… répondit-il. Mais va donc le chercher ! C’est ce que tu dois faire…
-  Mais… et toi ? Tu vas rester là ?
-  J’imagine que oui.
-  Je ne te laisserai pas ici. Viens avec moi.
-  Ton Tiam’at ne l’acceptera pas.
-  Pas si je lui ordonne de t’accepter. Allez, viens avec moi. Ne t’inquiète pas. Si tu ne viens pas, je ne pars pas. A contrecœur, Nathan me suivit jusque dans la fosse. Je m’approchai du Tiam’at qui, à mes yeux, brillait plus que les autres. Il se tourna vers nous et me regarda de son regard rouge infini. Avec d’infimes précautions, j’avançai vers l’animal. Lui aussi s’avança, jusqu’à ce que son museau fumant ne fut plus qu’à quelques centimètres de mon visage. Nathan, quant à lui, resta en retrait. La bête glissa son gros visage dans mon cou et, timidement, je lui caressai les écailles. Je me retournai ensuite et fit signe à mon ami d’approcher. Méfiant, il se rapprocha de moi. Alors je l’entraînai sur le dos de mon Tiam’at, qui ne cilla pas. Mais quand nous fûmes installés, l’animal céleste s’ébroua et décolla, nous emportant avec lui. Je criai, mais le vent qui sifflait à nos oreilles fit taire mon cri.

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